jeudi 21 février 2013

Morts pour la France !

"Je suis sûr que le Peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement."
Extrait de la dernière lettre de Missak Manouchian

En ce 21 février il est un devoir de mémoire que je désire faire et marquer par ce billet.
Si j'aime ce pays qui est le mien c'est avant tout parce qu'il sait aussi être celui des autres quand ces derniers souhaitent l'adopter.
Loin d'une quelconque appartenance de droit sacré attesté par l'hémoglobine ou une particulière trombine, par une révélation divine ou une naissance consanguine, la France accueille quiconque souhaite se retrouver en elle pour faire vivre son idéal.
Que ceux qui refusent cette évidence se souviennent qu'ils n'ont dès lors rien de patriotes chérissant la France !


Loin de moi l'idée d'une embellie gauchiste sur la question de la nationalité d'autant que je n'ai aucun goût pour ceux, français ou non, qui crachent sur le drapeau ou sifflent la Marseillaise. Par ces attitudes, ils souillent la mémoire de nos héros reconnus ou anonymes.

Mais nous qui sommes français du hasard, devons commémorer plus que jamais ceux qui ont choisi de l'être par convictions faisant résonner l'idéal de notre patrie républicaine.
De gré ou par la contrainte parfois, ils sont nombreux ceux qui, morts pour la France, ont défendu leur pays.
Mais ces enfants d'adoption qui ont défendu la France pour ses valeurs alors que, n'étant pas français, rien ne les y contraignait, ceux-là méritent tout autant nos pensées adressées à nos parangons nationaux.


Hommage donc en ce 21 février, date de leur exécution, au réseau Manouchian.
Hommage à ce groupe de résistants des francs-tireurs et partisans de la section main d'oeuvre immigrée (FTP-MOI) du nom de leur leader : Missak Manouchian.
Hommage à ces combattants de la liberté qui ont lutté contre l'occupant d'un pays qui n'était pas le leur, si ce n'est de coeur.
Hommage à ceux qui ont su dépasser leurs identités diverses jusqu'à se rejoindre dans une lutte pour l'idéal d'une France libérée.
Hommage à ces hommes et femmes fusillés par l'occupant nazi qui a tenté autant que possible, via notamment l'Affiche Rouge, de les faire passer pour des terroristes.
Hommage donc à ces "terroristes" de l'ennemi nazi qui sont morts pour la France !


A l'instar des quelques courageux, qui au lendemain des exécutions écrivirent sous les affiches rouges "morts pour la France", je me joins aujourd'hui à l'ensemble de mes concitoyens pour témoigner toute notre gratitude.
Amis de la France, vous étiez nos frères, je suis honoré de pouvoir aujourd'hui saluer votre mémoire. De vos origines si diverses nous partageons sans retenue notre profond attachement à cette fraternité des hommes libres et égaux qui fondent notre idéal.
Vous qui êtes venus nous rejoindre pour nous rappeler nos valeurs sacrées, nous ne vous oublierons pas !


Parmi les hommages artistiques dédiés aux 23 résistants des FTP-MOI exécutés par l'occupant, citons le film l'armée du crime ou l'Affiche rouge interprétée par Léo Ferré sur un poème de Louis Aragon que je vous livre ici :

Strophes pour se souvenir

Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.

Louis Aragon.



Ce billet et ce souvenir sont aussi une occasion de saluer cette communauté des patriotes républicains et de manière plus générale tous ceux qui préfèrent à la division stérile, le rassemblement autour de ces valeurs bigarrées, mises en harmonie à travers chacune de nos trois couleurs flottant au sommet d'une hampe.

Track : La Compagnie Jolie Môme, Sans la nommer (reprise de Georges Moustaki)
accompagnée de la lecture de la lettre de Missak Manouchian à sa femme


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