jeudi 14 novembre 2013

"Money for nothing" ou le consumérisme sans entraves.

Mark Knopfler est un génie. Guitariste incroyable et compositeur magistral du groupe Dire Straits, sa carrière solo, moins connue n'est pourtant pas en reste.
De la discographie du groupe britannique, un titre sortira à jamais du lot par son côté très rock, son riff inoubliable et ce qu'il incarne en plein milieu des années 80 lorsqu'il est révélé au monde ébahi de découvrir a new way of life ! En gamin né en 1981, période d'agonie des anciens mondes et de l'Histoire elle-même, ce titre est une forme emblématique de tant de choses qu'il méritait bien un article.

Ce morceau symbolise à lui seul l'avènement d'un enchantement imposé à des citoyens occidentaux bienheureux de devenir ces consommateurs de pain et de jeux, rebaptisé entertainment par la novlangue.


1985, Money for nothing est le premier morceau a être présenté sur la toute nouvelle antenne européenne de MTV. Tout un symbole d'être la carte de visite de cette chaîne musicale qui propose l'aboutissement du divertissement-zapping via le clip-vidéo. Un format court alliant une musique calibrée pour la radio et un visuel capable de pleinement absorber le téléspectateur qui pourrait se lasser de le seule stimulation de son ouïe.
Le clip-vidéo support de Money for nothing, agencé après pressions de MTV, se voulait avant-gardiste en utilisant cette nouvelle technologie d' images créées par ordinateur, bien que Mark Knopfler lui même y était opposé. Le genre de concessions artistiques face aux chéquiers des entreprises d'entertainement que le milieu du rap notamment adorera dénoncer quelques années plus tard. Avant de bien souvent rentrer dans le rang pour obtenir le sauf-conduit autorisant à passer sur les ondes où finalement on se sent plutôt bien quand on sait dompter sa conscience artistique et contestatrice.
Au delà de cette forme qui scelle une promesse d'avenir radieux pour qui veut croire à l'émerveillement technologique, la vidéo mérite cependant que l'on s'y attarde un peu plus. On y découvre deux ouvriers, ou assimilés comme tels, qui transportent la quintessence de la glorieuse civilisation consumériste : réfrigérateurs, télévisions couleurs, fours micro-ondes …

Tatoué, vêtus de bleus de travail ou salopettes et de casquettes bon marché, nos valeureux représentants du prolétariat passent en revue les antihéros de la working-class qui s'affichent sur les écrans : des chanteurs tendances qui passent sur MTV présentant un « look » aux antipodes de nos manutentionnaires. Le tableau pourrait se suffire à lui même offrant en spectacle deux beaufs ringards face à aux stars encensées et déversées sur le monde envieux par les canaux post-modernes de MTV. D'aucuns diraient aujourd'hui : deux électeurs frontistes qui critiquent la modernité. Ils sont certainement cette incarnation du prolétaire que ne veut plus voir un Serge Halimi trop pressé decritiquer Jean-Claude Michéa : « musclé, français (ici américain ou anglais), chef de famille ». Bref, ils sont ce que même un rédac-chef du Monde Diplomatique exècre : deux ouvriers à la résistance passive aux embellies de la modernité incarnée par le Marché.


Mais c'est là que les paroles du morceau, prêtées aux deux compères du clip, viennent donner un caractère explicite à la partition qu'il faut jouer dans le meilleur des mondes occidental à venir. A savoir, une ringardisation de la condition et de la valeur travail face à l’idolâtrie de la jouissance individuelle sans contreparties ni limites. Il faut enchanter le monde sur une illusion pour mieux mépriser le concret de la production. C'est ça le bonheur !

Le clip met alors en scène l'absence de création de richesses de l'ouvrier-artisan dont l'art concret n'oeuvre plus (il se contente de transporter et d'installer le produit fini) alors que l'artiste crée des œuvres et produit de la monnaie à profusion … à partir de rien. Le premier est servile et concret, le second est libre et abstrait. A l'instar du capital qui de cette forme d'investissement industriel solide se mue en fluide financier spéculatif : un nouveau monde est en marche, il faut l'accompagner dans les esprits ! Et pour gagner les consciences à cette nouvelle mutation du capitalisme, il faut faire appel à ces prêtres zélés de l'entertainement que sont les « stars ».


C'est donc la détestation de leur propre condition qui se joue lorsque nos deux specimens prolétaires en voie de disparition se disent qu'ils devraient eux aussi apprendre à jouer de la guitare et passer sur MTV pour se faire de l'argent et obtenir des filles à foison. Argent et femmes : deux étalons du monde marchand qui mesurent la puissance et pour les plus cyniques, la respectabilité, de l'homme post-moderne.
Mais il y en a aura pour tous ! Un monde entier de stars sur MTV voilà ce que l'on nous vend. Après tout, il y aura bien assez de chinois pour fabriquer nos télévisions couleurs.
Et puisque tout est accessible avec cette monnaie issue du néant : pourquoi se priver ? MTV prépare les esprits au crédit sans limites et à la planche à billet que les banques et la Réserve Fédérale américaine seront trop heureuses de mettre en place. L'individu jouisseur enfin libre : plus de limites, plus de morale, le monde est à la portée de tous tant que l'on a de l'argent. De l'argent oui !

Dès lors, money for nothing est un slogan destiné à faire jouir sans entraves dans une société marchande.


Pourtant il existe des freins ! Par leur comportement comme leur morale, les assimilés prolétaires ne sont pas encore de bon consommateurs-jouisseurs. Et qu'ils sont arriérés avec leurs propos de résistance virile ! Ne parlent-ils pas avec mépris de « PD » lorsqu'ils voient un chanteur se trémousser devant une caméra, dévoilant là toute leur réticence à jouir d'une sexualité sans contraintes ? La sexualité étant la pulsion par excellente, il convient de libérer cette dernière au plus vite. Donc le vilain prolo beauf décrié par Halimi et méchant de l'histoire sera un brin homophobe pendant que le héros riche et starifié par MTV s'affranchira de la virilité, brouillera les références masculines comme féminines et mettra en scène l'érotisme émancipateur. Du cul en somme ! Y a rien de mieux pour faire consommer !

Un morceau comme Money for Nothing n'est pas anodin. Que le groupe Dire Straits n'ait point vu tout cela à une époque faste où tout semblait autorisé, c'est évident. Idem pour MTV qui n'a vraisemblablement pas compris qu'elle poursuivait l'avènement culturel du libéralisme dévoyé consistant non pas à émanciper l'individu mais à le rendre esclave de ses pulsions.

Ce qui est certain, c'est qu'en 2013, beaucoup croient plus que jamais devenir les stars d'un écran pour lequel ils s'échinent toute leur vie. Espérant satisfaire une pulsion liberticide motivée par des ego atrophiés et sans limites, des masses de consommateurs-jouisseurs acceptent leur statut d'esclaves post-modernes. Tant qu'on leur permet d'espérer qu'un jour ils pourront jouir d'argents et de filles en jouant de la guitare sur MTV.


Heureusement la WII et Guitar Hero sont là pour poursuivre l'illusion …


Accompagnement musical : Dire Straits, Money for nothing.



dimanche 16 juin 2013

Gandalf, Bilbon, Frodon et la décence commune de George Orwell

Alors qu'il s'ouvre à dame Galadriel envers qui il est vain de vouloir cacher nos sensibilités profondes, Gandalf le gris, après une réunion des grands des Terres du Milieu  à Fondcombe (l'équivalent du G8 pour situer les choses) déclare ceci :

"Je crois que ce sont les petites choses, les gestes quotidiens des gens ordinaires qui nous préservent du mal. De simples actes de bonté et d'amour."
Gandalf à Galadriel.

Une ode à la décence commune s'il en est !

Ces paroles sont issues du film "Le Hobbit" de Peter Jackson, sorti sur les écrans en décembre dernier. Ayant lu l'oeuvre originelle il y a de ça bien des années (j'en remercie Kefro et Mary au passage), je n'ai plus le souvenir de l'authenticité de ces propos dans le livre. Ceci étant, de Tolkien à Orwell, il y a une forme de conservatisme incarné dans la Comté ou la campagne anglaise et un goût des choses simples de la vie paisible des hobbits à celle des gens ordinaires, qui me laisse entendre que les véritables héros de Tolkien pourraient être des incarnations de cette common decency si chère à Orwell.


"C'est aimable à vous de nous recevoir, je ne suis pas vêtu pour un dîner." s'excusa Gandalf.
"Mais vous ne l'êtes jamais.", lui répondit Elrond, seigneur de Fondcombe.

D'ailleurs, lorsque Bruce Bégout nous explique que la décence ordinaire s'inscrit avant tout dans un vécu commun, qui en exclut de fait ceux qui ne sont pas dans un quotidien ordinaire et partagé, il est à noter que Gandalf, contrairement à Saroumane (le Eric Besson des Terres du Milieu qui lui, fera preuve d'indécence ordinaire, commune à nombres des Importants censés représentés et défendre les humbles), garde une existence de vagabond hippie. C'est cette existence qui l'autorise à vivre avec les plus simples individus qui soient. Ce qui ne manque pas de faire de lui le parfait contrevenant à l'usage de l'étiquette, cette vaine parodie guindée de la décence commune.


"Avant votre venue, nous les Sacquet étions très bien vu ici. Aucune aventure d'aucune sorte. Rien d'inattendu ne se passait !" 
Frodon à Gandalf.

Remarquons aussi que les hobbits de Tolkien illustrent parfaitement l'usage politique qu'Orwell imagine faire de la common decency avec un soupçon d'isolationnisme so british.
Car si la décence commune n'empêchera pas les régimes totalitaires imaginés par les architectes du Bonheur enfermés dans leur tour d'ivoire, il faut rappeler combien le conservatisme populaire, qui désespère tous nos futés progressistes, est aussi une inertie propre à freiner l'avènement des nouveaux paradis terrestres totalitaires. Ceux-là même qui sont imaginés par nos intellectuels déconnectés de tout vécu ordinaire dans une idéalisation abstraite de voies vers quelques Enfers pavés de leurs meilleures intentions. Alors que ces intentions seraient battues en brèche confrontées à un principe de réalité et de bon sens que renverrait un quotidien ordinaire, terreau de la décence commune. 

Je ne peux dès lors que me remémorer Frodon ou Bilbon, rêvant d'une vie à fumer de l'herbe à pipe en se délectant des délices que les saisons immuables ont à leur offrir (cette stabilité regrettée par le dicton ô combien populaire : "y a plus de saisons ma bonne dame !").
Pourtant s'ils sont les derniers à vouloir partir au devant de nouveautés aventureuses, ils sont ces petites gens que la corruption maléfique ne peut atteindre (non non et non, Cahuzac n'était pas un hobbit !).
Même lorsque, bien malgré eux, sont chamboulés ces petits bonheurs quotidiens, ils font preuve de courage et savent instinctivement où se situent le mal et le bien. De véritables héros que rien ne prédisposait à transcender la condition huma... hobbit.
Et ils finiront éternellement par préférer à toutes les récompenses de l'héroïsme (l'argent, les filles, la coke ...) un retour à la quiétude de leur vie ordinaire.

"Les Hommes ? Ils sont faibles. La race des Hommes a failli."
Elrond à Gandalf.

Le projet politique d'Orwell ne serait-il pas de faire de nous des hobbits ? Ma foi ça permettrait au moins de faire la nique à Nike ... 

En attendant malheureusement, peu d'hommes résisteraient à l'anneau unique comme Frodon ... ne serait-ce que pour se glisser dans les vestiaires des ...
Non franchement Sauron, t'y avais jamais pensé ?


Ce billet est dédié à mon camarade républicain et tolkieniste Florent et à Milan Kundera au jugement "vraiment moche".




samedi 9 mars 2013

La Père-Patrie ?

En patriote convaincu, j'aime à me rappeler qu'étymologiquement, la patrie signifie : "le pays des pères". 
C'est là, qu'à l'occasion, je m'interroge sur l'expression "Mère-Patrie" qui semble ô combien antinomique sans que l'on ne prenne soin de le remarquer.
Certes la formule "Père-Patrie" pourrait prétendre au pléonasme d'or, mais elle se targuerait au moins du mérite de garder intact le sens premier de la notion de patrie.

Perambulons toujours et remarquons que l'(ab)usage de l'expression "Mère-Patrie" a souvent coïncidé avec quelques boucheries guerrières où de nombreux jeunes hommes étaient invités à verser leur sang pour cette fameuse "Mère-Patrie", en témoigne la magnifique statue hommage de l'horreur de Stalingrad.


Que la propagande fut soviétique, républicaine ou autre, je me demande à quel point l'idée fut pensée d'aguicher le zèle puéril de jeunes gens, par l'image maternelle et protectrice plutôt que par celle coercitive du père ?
S'est-on réellement dit que pour éviter de recourir à la contrainte on inciterait ces adolescents à vivre leur invincible jeunesse dans le sacrifice pour des hectares, envers lesquels ils auraient une affection maternelle ?

Je ne vais pas rentrer plus loin dans les suppositions car je n'ai pas les références suffisantes pour étayer les hypothèses de construction et de développement du jeune homme par rapport aux images paternelles et maternelles.
D'autant que, comme me l'avait suggéré un contact, je me pose peut être des questions qui n'ont pas lieu d'être. 

Il n'empêche : loin de moi l'idée de recréer une discorde des genres au lendemain de la fête de LA femme, mais tout de même je continue de trouver étrange que l'on ait tant voulu féminiser le pays des pères pour y faire adhérer librement les esprits juvéniles.
Cela aurait-il été une manipulation moins pernicieuse que de présenter certains conflits à travers l'image guerrière du père qu'il fallait défendre dans un esprit de celui qui pisse le plus loin ?



Mais surtout : le daron est-il à ce point le dépositaire de la coercition et du manque d'amour dans nos sociétés ?



jeudi 21 février 2013

Morts pour la France !

"Je suis sûr que le Peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement."
Extrait de la dernière lettre de Missak Manouchian

En ce 21 février il est un devoir de mémoire que je désire faire et marquer par ce billet.
Si j'aime ce pays qui est le mien c'est avant tout parce qu'il sait aussi être celui des autres quand ces derniers souhaitent l'adopter.
Loin d'une quelconque appartenance de droit sacré attesté par l'hémoglobine ou une particulière trombine, par une révélation divine ou une naissance consanguine, la France accueille quiconque souhaite se retrouver en elle pour faire vivre son idéal.
Que ceux qui refusent cette évidence se souviennent qu'ils n'ont dès lors rien de patriotes chérissant la France !


Loin de moi l'idée d'une embellie gauchiste sur la question de la nationalité d'autant que je n'ai aucun goût pour ceux, français ou non, qui crachent sur le drapeau ou sifflent la Marseillaise. Par ces attitudes, ils souillent la mémoire de nos héros reconnus ou anonymes.

Mais nous qui sommes français du hasard, devons commémorer plus que jamais ceux qui ont choisi de l'être par convictions faisant résonner l'idéal de notre patrie républicaine.
De gré ou par la contrainte parfois, ils sont nombreux ceux qui, morts pour la France, ont défendu leur pays.
Mais ces enfants d'adoption qui ont défendu la France pour ses valeurs alors que, n'étant pas français, rien ne les y contraignait, ceux-là méritent tout autant nos pensées adressées à nos parangons nationaux.


Hommage donc en ce 21 février, date de leur exécution, au réseau Manouchian.
Hommage à ce groupe de résistants des francs-tireurs et partisans de la section main d'oeuvre immigrée (FTP-MOI) du nom de leur leader : Missak Manouchian.
Hommage à ces combattants de la liberté qui ont lutté contre l'occupant d'un pays qui n'était pas le leur, si ce n'est de coeur.
Hommage à ceux qui ont su dépasser leurs identités diverses jusqu'à se rejoindre dans une lutte pour l'idéal d'une France libérée.
Hommage à ces hommes et femmes fusillés par l'occupant nazi qui a tenté autant que possible, via notamment l'Affiche Rouge, de les faire passer pour des terroristes.
Hommage donc à ces "terroristes" de l'ennemi nazi qui sont morts pour la France !


A l'instar des quelques courageux, qui au lendemain des exécutions écrivirent sous les affiches rouges "morts pour la France", je me joins aujourd'hui à l'ensemble de mes concitoyens pour témoigner toute notre gratitude.
Amis de la France, vous étiez nos frères, je suis honoré de pouvoir aujourd'hui saluer votre mémoire. De vos origines si diverses nous partageons sans retenue notre profond attachement à cette fraternité des hommes libres et égaux qui fondent notre idéal.
Vous qui êtes venus nous rejoindre pour nous rappeler nos valeurs sacrées, nous ne vous oublierons pas !


Parmi les hommages artistiques dédiés aux 23 résistants des FTP-MOI exécutés par l'occupant, citons le film l'armée du crime ou l'Affiche rouge interprétée par Léo Ferré sur un poème de Louis Aragon que je vous livre ici :

Strophes pour se souvenir

Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.

Louis Aragon.



Ce billet et ce souvenir sont aussi une occasion de saluer cette communauté des patriotes républicains et de manière plus générale tous ceux qui préfèrent à la division stérile, le rassemblement autour de ces valeurs bigarrées, mises en harmonie à travers chacune de nos trois couleurs flottant au sommet d'une hampe.

Track : La Compagnie Jolie Môme, Sans la nommer (reprise de Georges Moustaki)
accompagnée de la lecture de la lettre de Missak Manouchian à sa femme


dimanche 27 janvier 2013

Une page de Michéa (presque) au hasard #3

"Nous avons une gauche qui maintenant, sur le plan de sa philosophie fondamentale, s'est ralliée à cette solution libérale et moderne qu'a formulé une fois pour toute ce grand penseur commun à la gauche et la droite qu'était Georges Bush : "La croissance n'est pas le problème, elle est la solution." [...] Quelqu'un qui a fait un peu de philosophie aurait envie de dire : "la croissance de quoi ?".
C'est à dire que, quand je m'amuse avec mes élèves à leur poser la question "Etes-vous pour l'augmentation de ... ?" Et puis je laisse un silence. Et là, timidement, il y a toujours deux ou trois élèves qui commencent à dire "L’augmentation de quoi, monsieur ?". Je dis : "Bonne question, dictée par le bon sens. L'augmentation ne peut pas être un programme en lui même."
Et bien, sachez que les maîtres de ce monde ont pourtant une position étrange. Pour eux, la Croissance, synonyme de l'augmentation indéfinie est une philosophie à part entière. Cette Croissance incorpore les choses les plus diverses. Le pétrolier qui s'échoue sur les plages de Bretagne ou d'Espagne, l'usine qui saute en Inde, les progrès de la délinquance. Tout ce qui produit de la valeur ajoutée engendre de la croissance et est bon pour l'humanité.
Si 40 000 voitures flambent chaque année en France, à titre privé, n'importe quel libéral comprendra que le pauvre ouvrier qui ne peut plus se rendre à son travail subit là un préjudice particulier, mais placé à l'échelle de la Croissance et de la relance de l'industrie automobile que ces incendies occasionnent, on peut simplement regretter qu'il ne brûle que 40 000 voitures par an."




Par provocations et absurdités, venons-en à rigoler !

A la lumière de ce que nous dit Jean-Claude Michéa, on peut applaudir l'interventionnisme anti-libéral de Manuel Valls qui s'insurge contre les incendies de voitures en France et déploie des milliers d'agents des forces de l'ordre pour, si ce n'est stopper, réduire les incendies de véhicules notamment durant la nuit de la Saint-Sylvestre.
Rendez-vous compte qu'un ministre de la République ose s'opposer à ce qui se fait de mieux comme plan de relance de l'industrie automobile !
Manuel Valls : un décroissant qui s'ignore ? Rions-en tant qu'il en est encore temps.


Poursuivons avec la question de Nicolas Dupont-Aignan qui, s’adressant à des "ptits voyous", leur demandait à propos de ces brûlots urbains : "Pourquoi vous vous attaquez à ceux qui vivent comme vous ?".

Car il est vrai que ce sont rarement les belles berlines allemandes des beaux quartiers qui succombent aux pyromanes du nouvel an. Ce sont bien les voitures des citoyens parmi les plus modestes qui restent les cibles privilégiées. Et chez ces classes populaires sans aucun goût, on y trouve davantage de voitures issues de chez nos constructeurs nationaux que chez Mercedes ou BMW.


De là à conclure qu'un laxisme durant la Saint Sylvestre serait donc une forme de libéralisme protectionniste veillant à la relance de nos constructeurs automobiles nationaux ... il n'y a qu'un pas que je franchis avec un certain cynisme, je le confesse.

Pourtant, nous aurions là enfin la synthèse entre l'aile gauche protectionniste et le reste du PS libéral qui refermerait la parenthèse d'espoir que les 17% de Montebourg avaient suscité lors des primaires socialistes.
La blague est à présent terminée, le PS ne fait plus rire ... mais l'espoir chez l'électorat populaire, lui, continue de dépérir. 


Track : C2C, Arcades (live)


samedi 19 janvier 2013

Déboire de mémoire.

La petite Marion Maréchal-le Pen se devait de commencer par un sacré coup d'éclat !
Pensez donc : une femme, jeune et issue du parti honni de l'Hémicycle, cela fait beaucoup de handicaps pour se faire une place parmi nos parlementaires.
Et bien, c'est par une entrée fracassante ... complètement ratée qu'elle s'est faite entendre en co-signant son premier texte avec des élus UMP.
S'engager pour la reconnaissance du génocide vendéen, tel est, selon elle, son ticket d'entrée dans la cours des grands.

Je passerai sur le côté éminemment urgent de la question qui doit bien évidemment occuper nos députés alors que la nation n'a strictement aucun autre problème à gérer.
Je passerai tout autant sur l'usage plus que discuté et discutable du terme génocide dans les évènements de Vendée de 1793 à 1796.


Alors évidemment en tant que robespierriste convaincu, la réaction urticante et passionnée pourrait m'animer par principe.
Oui mais non.

Déjà parce que Robespierre n'est en aucune façon le responsable des crimes de Vendée, bien que cela en arrange certains de lui accoler une image sanguinaire. Mais aussi parce que la révolte vendéenne je la prends et la comprends au coeur d'une époque chaotique.
Et si la conscription de masse pour une guerre lointaine (dont certains ennemis de Robespierre étaient les instigateurs) semble aujourd'hui une cause au moins aussi crédible qu'une passion vendéenne pour le catholicisme ultramontain et la monarchie de droit divin, je dois bien admettre qu'à la place d'un jeune vendéen je ne sais quelle aurait été ma réaction à l'époque.
Et si refuser un enrôlement passait par le ralliement à un François-Athanase Charette de la Contrie, meneur d'hommes ô combien charismatique, sûrement que je me serais laissé aller à suivre pareil panache pour une cause que j'aurais finalement certainement fait mienne.

Quoiqu'il en soit, je n'ai aucune animosité à l'égard de cette histoire de Vendée, de notre Histoire.
J'en ai à revendre par contre pour ces prétentions sempiternelles au statut de martyr nous contraignant à une repentance sans fin et divisant les français à travers leur passé.
De la même façon que je ne vais pas personnellement me reprocher la rafle du Vel d'Hiv ou le commerce triangulaire, je n'irai aucunement me flageller en repensant à tous ces pauvres bougres injustement noyés dans la Loire. Pas plus que je ne vais réclamer des vendéens aujourd'hui qu'ils reconnaissent les massacres des patriotes de Machecoul.
A quoi cela rimerait-il ?

Si le but est de désunir les français, de saper la légitimité de la République, de semer la discorde plutôt que la fraternité entre nos concitoyens, alors oui : reconnaissons "le génocide de Vendée" et ajoutons-y toutes ces brimades que nos petits écoliers bretonnants ont enduré, ces "velléités fascisantes" de la Républiques à vouloir faire rentrer le droit local alsacien-mosellan dans le rang etc ...
Allons-y : créons des foyers d’insurrections communautaires un peu partout sur le territoire de la République afin de mieux la dépecer. J'en connais à Bruxelles et ailleurs qui n'en demandent pas tant. J'avais d'ailleurs cru comprendre que ces derniers étaient tout sauf les alliés objectifs du Front National.


Bref, pour une représentante d'un parti qui se voudrait patriote en amorçant un retour vers cette République pour laquelle les citoyens français sont attachés, la petite Marion a très mal choisi son cheval de bataille.

Mais s'il ne s'agissait que de cela, s'en offusquerait-on ?
Après tout le patriotisme républicain de ces frontistes entonnant la blanche hermine de Servat était déjà bien ridicule. Avaient-ils seulement saisi les paroles de ce chant de départ en guerre contre la France ?
Non ce qui m'inquiète le plus dans cette histoire de reconnaissance du génocide vendéen c'est cette concurrence des victimes qui se répand sur fond de divisions et de replis communautaires.


Dès lors, que la petite Marion se rassure. Elle va se faire tout plein de nouveaux amis. Elle pourra rejoindre à loisir tous ces militants bienheureux qui réclament des comptes à la République française au nom de son passé.
Du CRIF au CRAN en passant par le PIR mais certainement pas le meilleur, je suis sûr qu'ils seront nombreux les nouveaux amis de la petite Marion prêts à concourir dans le championnat du "qui qu'a le plus souffert ?", avec étalage d'arguments émotionnels à la clé.

En attendant de pouvoir mesurer de façon scientifique la souffrance d'un arménien massacré par l'empire Ottoman, celle d'un tutsi découpé à la machette, celle d'un ukrainien condamné à la famine ou celle d'un tzigane oublié dans un camp nazi, j'ai tendance à ne pas vouloir hiérarchiser les drames de l'Histoire.
Ce qui ne semble pas être la position des tenants de la rente victimaire que procurent drames et génocides pour le compte des héritiers des malheureuses victimes. Ces mêmes victimes dont la mémoire, loin d'être entretenue, est souillée dans l'indécence d'une compétition victimaire.


Finalement, pour illustrer au mieux cette méfiance vis-à-vis de ces déboires de mémoires, je citerai Régis Debray qui a bien résumé le danger à l'occasion de l'idée farfelue et macabre de Nicolas Sarkozy consistant à ce que chaque élève du primaire "adopte" la mémoire d'un enfant victime de la Shoah.
Ce même Sarkozy qui pourtant, avait déclaré assez justement en 2007 :
" Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres ".
Bref de la cohérence de ce trublion politique ... revenons donc à Régis Debray :

" Autant le devoir de mémoire est nécessaire, autant son abus est contre-productif. (...) Il y a un risque d'escalade, d'une surenchère, d'une concurrence des mémoires. Celles-ci pourraient bientôt provoquer, dans le monde des banlieues, la revendication d'une adoption des victimes d'Israël en Palestine. Et puis il y a les Tsiganes, il y a les Arméniens, et puis il y a surtout les Noirs...(...) Au lieu d'unifier, j'ai peur que cette initiative ne divise selon des clivages communautaires et confessionnels. "

Tu l'as dit Régis !


Et d'ailleurs pour en finir avec cette compétition à la reconnaissance par nos élus de tel ou tel drame : si la question des lois mémorielles n'avait tout simplement pas lieu d'être ?
Car après tout, s'il est une chose qui semble faire l'unanimité avec mes compagnons de palabres, c'est bien que l'Histoire doit appartenir aux historiens et non pas aux politiques qui, même animés de la meilleure foi dont ils sont capables, ne peuvent qu'instrumentaliser les évènements en légiférant à leur sujet.
Laissons la reconnaissance des faits, sans passions mal placées, aux historiens. Nous aurons tout le loisir d'en discuter entre nous ailleurs que dans notre assemblée nationale.




jeudi 10 janvier 2013

L'aliénation : un concept tabou.

L'hypocrite libéral n'admet pas l'aliénation.
A chaque débats et échanges, le statut quo arrive lorsque ces apôtres nous assènent le fameux "mais chacun est libre".
Formule magique pour clore tout questionnement autour de comportements humains sur lesquels il est interdit de porter tout jugement, car ... chacun est libre.

Ressentir de la honte pour l'espèce.
J'ai eu ce sentiment aujourd'hui.
Une sensation odieuse de contempler des sous-êtres, moi l'égalitariste convaincu. Ca fait mal.

Tout cela en visionnant cette vidéo qui m'a choqué, littéralement.
Non pas que ce soit la première fois que je vois ce genre de scènes, mais la juxtaposition avec ces rires à peine dissimulés des journalistes m'a donné envie de vomir.

J'ai cru voir des Importants s'esclaffer d'un comportement d'Inférieurs, d'animaux.
L'écrire m'est souffrance, en rire c'est leur indécence.


Et pour être tout à fait honnête, ce ne sont même pas des animaux que j'ai cru apercevoir Il est véritablement difficile d'écrire cela, mais la sincérité du ressenti est loin d'être belle, à l'image du spectacle offert.

Car un pareil comportement d'animal ne serait motivé que par la satisfaction d'un besoin primaire tel le chien grognant envers autrui qui se rue sur sa gamelle pour manger.
Ici il n'en est rien : il n'y a que la course contre autrui pour obtenir écrans plats ou toutes autres objets relatifs à un besoin artificiel sans pouvoir prétexter l'excuse du besoin de survie.


J'ai honte parce que ce ne sont pourtant pas des animaux, ce sont mes semblables.
J'ai honte que mon espèce se comporte ainsi.
J'ai honte que l'on organise notre société où l'on traite ainsi de sous-êtres certains de nos congénères.
J'ai honte que l'on laisse pareilles scènes se répéter chaque année.
Je ne veux pas le dire mais le ressens pourtant, c'est odieux qu'une espèce capable de conscientiser l'avilissement se charge de l'organiser plutôt que de l'éradiquer.

Je sais cependant combien il est dangereux de dispenser le bonheur aux gens malgré eux, en pavant de bonnes intentions la voie expresse vers la Géhenne. Il n'empêche, je ne peux me résoudre à laisser faire et esquisser un rictus en commentant de haut ce phénomène, comme le font les Importants.

Pendant que les Inférieurs se déchirent "pour accéder au bonheur marchand qui procure tant de joies" (voir tracklist ci-dessous), pour l'illusion du bonheur bourgeois dans lequel se vautrent, sans qu'ils n'aient eux, besoin de s'avilir ainsi, les Importants qui se gaussent.

Après la honte vient la compassion. Paternaliste très certainement aux yeux des chantres du consumérisme libéral.
Je les emmerde.

Je n'ai pas de mépris ou d'indifférence pour ces gens que l'on dresse comme des bêtes par le consumérisme. J'ai de la compassion, un fond chrétien certainement ou autre, je comprends que ça les gêne ces adeptes d'une logique libérale devenue complètement folle où aucune morale chrétienne ou autre ne doit s'immiscer : parce que chacun est libre.
Pourtant aussi carcérale que soit ma morale elle me paraît davantage garantir l'accès à des libertés que le consumérisme forcené qui soumet l'individu au statut de sous-animal.
En être de morale, je préfère m'indigner et compatir plutôt que d'en rire et de laisser faire.

A l'époque de l'esclavage notre conscience s'allégeait par le fait que les bougres n'avaient peut être même pas d'âme alors nous étions bien en droit de les rabaisser humainement.
Aujourd'hui notre conscience sournoise se dit qu'après tout ces esclaves du consumérisme prêts à se battre à crédit pour un écran plat n'ont peut être pas davantage d'âme, pour ce que l'on en a à faire, mais au moins ont-ils un libre arbitre. A partir de là, ce serait bien de leur faute de se comporter ainsi.
Foutaises !



Et nos bons libéraux viendront réfuter en choeur l'aliénation de l'homme par le Marché, le consumérisme et ses perfidies.
Sont-ils idiots, aveugles, trop intéressés ou juste inhumains pour croire que l'on est pleinement libre lorsque l'on se comporte de façon plus vile qu'un animal, nous les êtres humains ?

Reconnaître cette aliénation c'est démonter leurs croyances et leurs valeurs amorales qui forment en dernière instance une morale ... par définition liberticide.

Je leur demande de revoir cette vidéo et de considérer ces gens comme leurs semblables. Et qu'ils se posent juste cette question : comment peuvent-ils croire qu'une espèce puisse naturellement se comporter ainsi sans qu'elle ne soit aliénée ?