dimanche 27 mai 2012

Quelques minutes de bonheur sans croissance ...

La croissance est devenue la voie auréolée de notre parcours vers la félicitée céleste. Le PIB qui la mesure est quant à lui devenu le maître étalon de notre compétition engagée pour atteindre le nirvana capitaliste, celui qui qualifie ou disqualifie nos modes de vie ... et d'agonie.
Le salut éternel passe par la croissance c'est écrit !
Seuls s'obstinent de vils païens survivants d'hérésies matées par les croisés aux tabards dollarisés et quelques infidèles pressés par leur croyance à ne plus croitre préférant ne plus croire en la croissance. Hérétiques !

Certes, ces vérités sont inaccessibles au commun des mortels besogneux, à ces pauvres âmes condamnées à vivre dans l'ombre des lumineuses évangiles selon Hayek, Smith, Friedman-Pinochet ou Laurence P. Heureusement ils sont nombreux ces dévoués au Saint Marché à l'efficience absolue pour décrypter le néo-latin globalisé. Les amères homélies du FMI et autres harangues de foi foisonnent : taux directeurs, CDS, BCE, spreads, banque mondiale, flexisécurité, titrisation, Nasdaq, subprime, Fitch ratings, CAC40, eurobons et Dow Jones, vous n'y comprenez rien ?
Qu'importe, croyez-nous le paradis terrestre n'est pas loin moyennant quelques chemins de croix et sacrifices. D'ici là besognez, consommez et sommez vos prochains à faire de même. Amen !

Pourtant ce matin en me baladant, j'ai entraperçu une autre forme de félicitée terrestre. Et j'ai eu beau me retourner la tête dans tous les sens, je ne crois pas que cette forme de bonheur ait été prise en compte d'aucune manière que ce soit dans le sacro-saint Produit Intérieur Brut de notre pays !
Mince alors, existerait-il un bonheur non-marchand échappant au Marché ?
Les pensées hérétiques m'envahissaient à mesure que je m'approchais du viaduc de Blanchardeau découvrant une végétation luxuriante qui reprenait ses droits sur un ouvrage d'art sorti depuis belle lurette du calcul de notre PIB national.




La croissance en serment, tous les ans, avec les dents, sans les allemands, en y courant, en y croyant, toujours croissant, bigger, stronger, faster !
C'est écrit j'vous dit !
Oui, mais ce matin du moins, je m'en moquais bien.
Et aussi scandaleux que cela puisse paraître, je n'avais pas l'impression de devoir croître sans raison pour être heureux.
Ô sinistre plaisir impie !
Certes pendant ce temps des chinois assemblaient des milliers d'Iphone et mon temps perdu à lanterner était autant d'angoisses manifestes pour Laurence P, plongée qu'elle est dans la compétition. Mais dans ma quiétude bucolique, j'étais bien en peine à m'imaginer affronter un effrayant chinois anonyme incapable d'apprécier et de partager mon paradis sans yuan.

C'est ainsi que l'apostasie me saisit ! Oui, le Pi Aïe Bi  nous confronte, nous hiérarchise, nous dégrade, régit nos vies, nous réduit à une compétition dont je n'ai souvenir ni de l'origine ni de la cause bien que j'en observe et subisse les conséquences malheureuses.
Ce calcul d'un cumul de richesses produites, représentant notre cheminement dans notre quête de l'épanouissement humain, n'est même pas foutu d'intégrer le bonheur que procure une simple balade aux abords du Leff près d'un viaduc abandonné.
Dès lors j'en viens à me demander qui a eu cette lumineuse idée de décider des grandes orientations de l'humanité par rapport à cet artifice fallacieusement ficelé ? Quel étonnement y a-t-il à constater tant de désespoir et d'atrocités dans notre "prospérité" ? Ce Produit de Brutes est une farce, une abstraction creuse de l'esprit vide qui mesure le néant de nos sensibilités.
Il y a des choses qui ne s'achètent pas nous dit la publicité, tout le reste rentre dans le PIB. Une croissance qui fait l'impasse sur tout ce qui ne peut s'acheter, à quoi bon en faire une fin en soi ?


En libre-penseur vadrouilleur, je continuerai donc mes pérégrinations improductives en clamant qu'une autre croissance est possible à travers un nouveau modèle de PIB : le Produit Intégrant le Bonheur.
J'invite chacun à en jouir en dehors des diktats de l'église économique afin de réaliser toujours plus de gains de productivité dans le véritable épanouissement de l'être humain.
Et dans cette compétition passionnée, je suis persuadé que le chinois capable de se réaliser ailleurs que derrière une chaîne de montage, retrouverait aussitôt un aspect bien plus humain à mes yeux.

Assez rêvé : ce billet est terminé, veuillez retourner contribuer à la croissance illimitée !





lundi 21 mai 2012

Notre besoin de consommation est impossible à rassasier.

Etant gamin, comme tous les gamins le soir dans mon lit avant de m'endormir, ma hantise s'incarnait dans ce concept que l'on met toute une vie à appréhender : la mort. Inutile de dire que l'imagerie religieuse mettant en scène cette disparition irrationnelle était telle une collection de films d'horreurs à laquelle j'avais accès bien malgré moi. Sommet des atrocités : la danse macabre de la chapelle de Kermaria-an-Iskuit (ci-dessous). Loin d'y voir une égalité dans la mort entre riches et pauvres, j'y voyais surtout la muse de mes plus sombres cauchemars de gosse !

Le plus étrange, encore qu'à y réfléchir cela reste très cohérent, était que la manifestation du refuge où aucune pensées funèbres ne pouvaient m'atteindre s'incarnait dans ... le supermarché ! Imaginez donc le contraste avec l'austérité catholique : des gens qui s'animent, des lumières omniprésentes, des couleurs de partout, des annonces tout azimut et surtout un incessant appel à satisfaire notre vide spirituel par le consumérisme ! Oui, étant gamin, le soir en m'endormant, je fermais les yeux bien fort et me réfugiais chez Leclerc ou Mammouth entre le rayon sucreries et celui du p'tit déj où un grand blond costaud mâchant des chewing-gum roses et un gros bonhomme jaune répondant au nom de Groquik savaient m'éviter l'évocation d'existentielles questions. Ces dernières ayant la fâcheuse habitude de nous rapporter à notre existence, laquelle ayant irrémédiablement une fin. Fin que je n'étais pas encore en âge d'affronter étant minot.


Cependant telle une addiction sans cesse croissante il arrive un temps où le besoin de consommation est impossible à rassasier ... pour éviter le retour de ces sombres pensées ! Alors on s'arme de courage, on constate les défections de Groquik et du body-builder mâcheur de chewing-gum (salauds !) et on fait face à l'existence et à ses insoutenables inconnues. Difficile d'être né dans une époque où la science n'est pas encore parvenue à nous expliquer ce que nous faisons là et où le pouvoir d'achat est incapable de suffisamment satisfaire notre candeur d'être jouisseur sans conscience, trop désireux d'oublier ce qu'il est réellement : un être de doutes et de peurs.

C'est pourtant là que je me suis épanouis et éveillé en tant qu'être humain . C'est là que j'ai réalisé que c'est bien notre présence éphémère qui nous rend si précieux. Je suis alors sorti de l'enfance, apprenant à apprivoiser mes peurs. J'ai enfin osé sonder notre insignifiante unicité qui tient du miracle en émaillant mon existence des éternels questionnements nous concernant. La seule certitude : la mort. Et c'est bien elle qui donne le sel de la vie ! Un de ces cons d'elfes immortels ne saurait comprendre.

Mais aussitôt cette révélation faite voilà qu'une nouvelle frayeur se manifeste : l'incroyable vide que Groquik et Malabar savaient si bien cacher ! A cet instant précis je ne crains plus les chapelles, églises, cimetières et autres édifices. En revanche les temples de la consommation m'épouvantent par leurs artifices et efforts déployés afin de nous réduire à de simples pulsions sans passions. L'angoisse du néant qui ne résume la vie qu'à de vaines tentatives d'habiller le vide, c'est terrifiant ! Malabar et Groquik sont des armes de distraction massives, ils osent se moquer d'un être si complexe en l'affadissant de leurs fadaises. J'en viens à ce triste constat qu'il y a autant de considérations pour l'être humain dans un supermarché que dans le regard de la dame de fer pour un gréviste de la faim irlandais à l'agonie dans une prison britannique.


Aujourd'hui quand je prends le temps d'apprécier une église et son enclos paroissial telle que celle de Lanloup ci-dessus, c'est bien au delà d'un charme si caractéristique que je trouve de l'intérêt à ces vieilles pierres. N'étant absolument pas croyant, je suis d'autant plus curieux de repenser à tous ceux qui m'ont précédé sur les sentiers du doute. Même si je ne les partage pas, j'admire toutes ces formes d'apprivoisement de cette folie originelle que provoquent la mort et nos oppressantes incertitudes chez tous ces enfants perdus. Je reprends leur quête de l'apaisement de l'espèce là où ils l'ont laissée et j'espère apporter moi même ma vieille pierre à l'édifice afin que notre besoin de consolation puisse un jour se rassasier. Ce qui est certain dans tous les cas, c'est qu'aujourd'hui, un psychopathe armé d'une tronçonneuse déguisé en bouteille de soda m'effraie bien plus qu'un instant face à moi même à me dire que d'ici à ce qu'elle se termine, ma vie est bien trop précieuse pour que je la perde dans une grande surface.

samedi 19 mai 2012

Ajoncs et genêts, l'or de nos contrées.

"N'ayez craintes père, je vous promets de frotter vigoureusement le fessier de messire Plantagenêt à l'aide d'ajoncs bien épineux."

Ces propos à l'authenticité plus que douteuse vous vous en douterez, auraient été tenus par Louis VIII s'en allant bouter l'anglois. Il s'adressait alors à son père Philippe II Auguste qui pour sa part se préparait à écrire l'histoire capétienne à Bouvines. Des propos historiques ... qui me sont d'un grand secours.

Car tel un touriste innocent en mal de ridicule, il y a peu encore je confondais genêts et ajoncs, incapable de faire la différence entre ces deux embellies dorées qui font ressortir nos verts paysages bretons. J'en étais peu fier et n'en faisais point grand-cas vous l'imaginez bien. Je ne saurais donc suffisamment remercier nos illustres souverains qui sauront à présent m'éviter l'opprobre locale en me rappelant, comme me le disait une sympathique connaissance récemment : "les ajoncs sont remplis d'épines protectrices ... les genêts en sont dépourvus".

Je peux donc à présent fièrement vous présenter ce cliché de la pointe de la Tour en Plouha qui au premier plan, met en exergue, de somptueux ... ajoncs !
Si, si j'ai vérifié, ils piquaient drôlement ceux-là !




Pour clore l'anecdote, suite à la victoire de la bataille de la Roche-aux-Moines en 1214 du prince Louis VIII sur Jean sans Terre, cinquième fils d'Henri II Plantagenêt, les troubadours se laissèrent aller à quelques couplets controversés et aussi historiquement attestés que la citation ci-en haut :

"Jean peu fier, tournant les talons
Astiqué fort à coups d’épines
Plantagenêt par les ajoncs
S'en fit frictionner la p..."