dimanche 27 janvier 2013

Une page de Michéa (presque) au hasard #3

"Nous avons une gauche qui maintenant, sur le plan de sa philosophie fondamentale, s'est ralliée à cette solution libérale et moderne qu'a formulé une fois pour toute ce grand penseur commun à la gauche et la droite qu'était Georges Bush : "La croissance n'est pas le problème, elle est la solution." [...] Quelqu'un qui a fait un peu de philosophie aurait envie de dire : "la croissance de quoi ?".
C'est à dire que, quand je m'amuse avec mes élèves à leur poser la question "Etes-vous pour l'augmentation de ... ?" Et puis je laisse un silence. Et là, timidement, il y a toujours deux ou trois élèves qui commencent à dire "L’augmentation de quoi, monsieur ?". Je dis : "Bonne question, dictée par le bon sens. L'augmentation ne peut pas être un programme en lui même."
Et bien, sachez que les maîtres de ce monde ont pourtant une position étrange. Pour eux, la Croissance, synonyme de l'augmentation indéfinie est une philosophie à part entière. Cette Croissance incorpore les choses les plus diverses. Le pétrolier qui s'échoue sur les plages de Bretagne ou d'Espagne, l'usine qui saute en Inde, les progrès de la délinquance. Tout ce qui produit de la valeur ajoutée engendre de la croissance et est bon pour l'humanité.
Si 40 000 voitures flambent chaque année en France, à titre privé, n'importe quel libéral comprendra que le pauvre ouvrier qui ne peut plus se rendre à son travail subit là un préjudice particulier, mais placé à l'échelle de la Croissance et de la relance de l'industrie automobile que ces incendies occasionnent, on peut simplement regretter qu'il ne brûle que 40 000 voitures par an."




Par provocations et absurdités, venons-en à rigoler !

A la lumière de ce que nous dit Jean-Claude Michéa, on peut applaudir l'interventionnisme anti-libéral de Manuel Valls qui s'insurge contre les incendies de voitures en France et déploie des milliers d'agents des forces de l'ordre pour, si ce n'est stopper, réduire les incendies de véhicules notamment durant la nuit de la Saint-Sylvestre.
Rendez-vous compte qu'un ministre de la République ose s'opposer à ce qui se fait de mieux comme plan de relance de l'industrie automobile !
Manuel Valls : un décroissant qui s'ignore ? Rions-en tant qu'il en est encore temps.


Poursuivons avec la question de Nicolas Dupont-Aignan qui, s’adressant à des "ptits voyous", leur demandait à propos de ces brûlots urbains : "Pourquoi vous vous attaquez à ceux qui vivent comme vous ?".

Car il est vrai que ce sont rarement les belles berlines allemandes des beaux quartiers qui succombent aux pyromanes du nouvel an. Ce sont bien les voitures des citoyens parmi les plus modestes qui restent les cibles privilégiées. Et chez ces classes populaires sans aucun goût, on y trouve davantage de voitures issues de chez nos constructeurs nationaux que chez Mercedes ou BMW.


De là à conclure qu'un laxisme durant la Saint Sylvestre serait donc une forme de libéralisme protectionniste veillant à la relance de nos constructeurs automobiles nationaux ... il n'y a qu'un pas que je franchis avec un certain cynisme, je le confesse.

Pourtant, nous aurions là enfin la synthèse entre l'aile gauche protectionniste et le reste du PS libéral qui refermerait la parenthèse d'espoir que les 17% de Montebourg avaient suscité lors des primaires socialistes.
La blague est à présent terminée, le PS ne fait plus rire ... mais l'espoir chez l'électorat populaire, lui, continue de dépérir. 


Track : C2C, Arcades (live)


samedi 19 janvier 2013

Déboire de mémoire.

La petite Marion Maréchal-le Pen se devait de commencer par un sacré coup d'éclat !
Pensez donc : une femme, jeune et issue du parti honni de l'Hémicycle, cela fait beaucoup de handicaps pour se faire une place parmi nos parlementaires.
Et bien, c'est par une entrée fracassante ... complètement ratée qu'elle s'est faite entendre en co-signant son premier texte avec des élus UMP.
S'engager pour la reconnaissance du génocide vendéen, tel est, selon elle, son ticket d'entrée dans la cours des grands.

Je passerai sur le côté éminemment urgent de la question qui doit bien évidemment occuper nos députés alors que la nation n'a strictement aucun autre problème à gérer.
Je passerai tout autant sur l'usage plus que discuté et discutable du terme génocide dans les évènements de Vendée de 1793 à 1796.


Alors évidemment en tant que robespierriste convaincu, la réaction urticante et passionnée pourrait m'animer par principe.
Oui mais non.

Déjà parce que Robespierre n'est en aucune façon le responsable des crimes de Vendée, bien que cela en arrange certains de lui accoler une image sanguinaire. Mais aussi parce que la révolte vendéenne je la prends et la comprends au coeur d'une époque chaotique.
Et si la conscription de masse pour une guerre lointaine (dont certains ennemis de Robespierre étaient les instigateurs) semble aujourd'hui une cause au moins aussi crédible qu'une passion vendéenne pour le catholicisme ultramontain et la monarchie de droit divin, je dois bien admettre qu'à la place d'un jeune vendéen je ne sais quelle aurait été ma réaction à l'époque.
Et si refuser un enrôlement passait par le ralliement à un François-Athanase Charette de la Contrie, meneur d'hommes ô combien charismatique, sûrement que je me serais laissé aller à suivre pareil panache pour une cause que j'aurais finalement certainement fait mienne.

Quoiqu'il en soit, je n'ai aucune animosité à l'égard de cette histoire de Vendée, de notre Histoire.
J'en ai à revendre par contre pour ces prétentions sempiternelles au statut de martyr nous contraignant à une repentance sans fin et divisant les français à travers leur passé.
De la même façon que je ne vais pas personnellement me reprocher la rafle du Vel d'Hiv ou le commerce triangulaire, je n'irai aucunement me flageller en repensant à tous ces pauvres bougres injustement noyés dans la Loire. Pas plus que je ne vais réclamer des vendéens aujourd'hui qu'ils reconnaissent les massacres des patriotes de Machecoul.
A quoi cela rimerait-il ?

Si le but est de désunir les français, de saper la légitimité de la République, de semer la discorde plutôt que la fraternité entre nos concitoyens, alors oui : reconnaissons "le génocide de Vendée" et ajoutons-y toutes ces brimades que nos petits écoliers bretonnants ont enduré, ces "velléités fascisantes" de la Républiques à vouloir faire rentrer le droit local alsacien-mosellan dans le rang etc ...
Allons-y : créons des foyers d’insurrections communautaires un peu partout sur le territoire de la République afin de mieux la dépecer. J'en connais à Bruxelles et ailleurs qui n'en demandent pas tant. J'avais d'ailleurs cru comprendre que ces derniers étaient tout sauf les alliés objectifs du Front National.


Bref, pour une représentante d'un parti qui se voudrait patriote en amorçant un retour vers cette République pour laquelle les citoyens français sont attachés, la petite Marion a très mal choisi son cheval de bataille.

Mais s'il ne s'agissait que de cela, s'en offusquerait-on ?
Après tout le patriotisme républicain de ces frontistes entonnant la blanche hermine de Servat était déjà bien ridicule. Avaient-ils seulement saisi les paroles de ce chant de départ en guerre contre la France ?
Non ce qui m'inquiète le plus dans cette histoire de reconnaissance du génocide vendéen c'est cette concurrence des victimes qui se répand sur fond de divisions et de replis communautaires.


Dès lors, que la petite Marion se rassure. Elle va se faire tout plein de nouveaux amis. Elle pourra rejoindre à loisir tous ces militants bienheureux qui réclament des comptes à la République française au nom de son passé.
Du CRIF au CRAN en passant par le PIR mais certainement pas le meilleur, je suis sûr qu'ils seront nombreux les nouveaux amis de la petite Marion prêts à concourir dans le championnat du "qui qu'a le plus souffert ?", avec étalage d'arguments émotionnels à la clé.

En attendant de pouvoir mesurer de façon scientifique la souffrance d'un arménien massacré par l'empire Ottoman, celle d'un tutsi découpé à la machette, celle d'un ukrainien condamné à la famine ou celle d'un tzigane oublié dans un camp nazi, j'ai tendance à ne pas vouloir hiérarchiser les drames de l'Histoire.
Ce qui ne semble pas être la position des tenants de la rente victimaire que procurent drames et génocides pour le compte des héritiers des malheureuses victimes. Ces mêmes victimes dont la mémoire, loin d'être entretenue, est souillée dans l'indécence d'une compétition victimaire.


Finalement, pour illustrer au mieux cette méfiance vis-à-vis de ces déboires de mémoires, je citerai Régis Debray qui a bien résumé le danger à l'occasion de l'idée farfelue et macabre de Nicolas Sarkozy consistant à ce que chaque élève du primaire "adopte" la mémoire d'un enfant victime de la Shoah.
Ce même Sarkozy qui pourtant, avait déclaré assez justement en 2007 :
" Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres ".
Bref de la cohérence de ce trublion politique ... revenons donc à Régis Debray :

" Autant le devoir de mémoire est nécessaire, autant son abus est contre-productif. (...) Il y a un risque d'escalade, d'une surenchère, d'une concurrence des mémoires. Celles-ci pourraient bientôt provoquer, dans le monde des banlieues, la revendication d'une adoption des victimes d'Israël en Palestine. Et puis il y a les Tsiganes, il y a les Arméniens, et puis il y a surtout les Noirs...(...) Au lieu d'unifier, j'ai peur que cette initiative ne divise selon des clivages communautaires et confessionnels. "

Tu l'as dit Régis !


Et d'ailleurs pour en finir avec cette compétition à la reconnaissance par nos élus de tel ou tel drame : si la question des lois mémorielles n'avait tout simplement pas lieu d'être ?
Car après tout, s'il est une chose qui semble faire l'unanimité avec mes compagnons de palabres, c'est bien que l'Histoire doit appartenir aux historiens et non pas aux politiques qui, même animés de la meilleure foi dont ils sont capables, ne peuvent qu'instrumentaliser les évènements en légiférant à leur sujet.
Laissons la reconnaissance des faits, sans passions mal placées, aux historiens. Nous aurons tout le loisir d'en discuter entre nous ailleurs que dans notre assemblée nationale.




jeudi 10 janvier 2013

L'aliénation : un concept tabou.

L'hypocrite libéral n'admet pas l'aliénation.
A chaque débats et échanges, le statut quo arrive lorsque ces apôtres nous assènent le fameux "mais chacun est libre".
Formule magique pour clore tout questionnement autour de comportements humains sur lesquels il est interdit de porter tout jugement, car ... chacun est libre.

Ressentir de la honte pour l'espèce.
J'ai eu ce sentiment aujourd'hui.
Une sensation odieuse de contempler des sous-êtres, moi l'égalitariste convaincu. Ca fait mal.

Tout cela en visionnant cette vidéo qui m'a choqué, littéralement.
Non pas que ce soit la première fois que je vois ce genre de scènes, mais la juxtaposition avec ces rires à peine dissimulés des journalistes m'a donné envie de vomir.

J'ai cru voir des Importants s'esclaffer d'un comportement d'Inférieurs, d'animaux.
L'écrire m'est souffrance, en rire c'est leur indécence.


Et pour être tout à fait honnête, ce ne sont même pas des animaux que j'ai cru apercevoir Il est véritablement difficile d'écrire cela, mais la sincérité du ressenti est loin d'être belle, à l'image du spectacle offert.

Car un pareil comportement d'animal ne serait motivé que par la satisfaction d'un besoin primaire tel le chien grognant envers autrui qui se rue sur sa gamelle pour manger.
Ici il n'en est rien : il n'y a que la course contre autrui pour obtenir écrans plats ou toutes autres objets relatifs à un besoin artificiel sans pouvoir prétexter l'excuse du besoin de survie.


J'ai honte parce que ce ne sont pourtant pas des animaux, ce sont mes semblables.
J'ai honte que mon espèce se comporte ainsi.
J'ai honte que l'on organise notre société où l'on traite ainsi de sous-êtres certains de nos congénères.
J'ai honte que l'on laisse pareilles scènes se répéter chaque année.
Je ne veux pas le dire mais le ressens pourtant, c'est odieux qu'une espèce capable de conscientiser l'avilissement se charge de l'organiser plutôt que de l'éradiquer.

Je sais cependant combien il est dangereux de dispenser le bonheur aux gens malgré eux, en pavant de bonnes intentions la voie expresse vers la Géhenne. Il n'empêche, je ne peux me résoudre à laisser faire et esquisser un rictus en commentant de haut ce phénomène, comme le font les Importants.

Pendant que les Inférieurs se déchirent "pour accéder au bonheur marchand qui procure tant de joies" (voir tracklist ci-dessous), pour l'illusion du bonheur bourgeois dans lequel se vautrent, sans qu'ils n'aient eux, besoin de s'avilir ainsi, les Importants qui se gaussent.

Après la honte vient la compassion. Paternaliste très certainement aux yeux des chantres du consumérisme libéral.
Je les emmerde.

Je n'ai pas de mépris ou d'indifférence pour ces gens que l'on dresse comme des bêtes par le consumérisme. J'ai de la compassion, un fond chrétien certainement ou autre, je comprends que ça les gêne ces adeptes d'une logique libérale devenue complètement folle où aucune morale chrétienne ou autre ne doit s'immiscer : parce que chacun est libre.
Pourtant aussi carcérale que soit ma morale elle me paraît davantage garantir l'accès à des libertés que le consumérisme forcené qui soumet l'individu au statut de sous-animal.
En être de morale, je préfère m'indigner et compatir plutôt que d'en rire et de laisser faire.

A l'époque de l'esclavage notre conscience s'allégeait par le fait que les bougres n'avaient peut être même pas d'âme alors nous étions bien en droit de les rabaisser humainement.
Aujourd'hui notre conscience sournoise se dit qu'après tout ces esclaves du consumérisme prêts à se battre à crédit pour un écran plat n'ont peut être pas davantage d'âme, pour ce que l'on en a à faire, mais au moins ont-ils un libre arbitre. A partir de là, ce serait bien de leur faute de se comporter ainsi.
Foutaises !



Et nos bons libéraux viendront réfuter en choeur l'aliénation de l'homme par le Marché, le consumérisme et ses perfidies.
Sont-ils idiots, aveugles, trop intéressés ou juste inhumains pour croire que l'on est pleinement libre lorsque l'on se comporte de façon plus vile qu'un animal, nous les êtres humains ?

Reconnaître cette aliénation c'est démonter leurs croyances et leurs valeurs amorales qui forment en dernière instance une morale ... par définition liberticide.

Je leur demande de revoir cette vidéo et de considérer ces gens comme leurs semblables. Et qu'ils se posent juste cette question : comment peuvent-ils croire qu'une espèce puisse naturellement se comporter ainsi sans qu'elle ne soit aliénée ?