samedi 19 janvier 2013

Déboire de mémoire.

La petite Marion Maréchal-le Pen se devait de commencer par un sacré coup d'éclat !
Pensez donc : une femme, jeune et issue du parti honni de l'Hémicycle, cela fait beaucoup de handicaps pour se faire une place parmi nos parlementaires.
Et bien, c'est par une entrée fracassante ... complètement ratée qu'elle s'est faite entendre en co-signant son premier texte avec des élus UMP.
S'engager pour la reconnaissance du génocide vendéen, tel est, selon elle, son ticket d'entrée dans la cours des grands.

Je passerai sur le côté éminemment urgent de la question qui doit bien évidemment occuper nos députés alors que la nation n'a strictement aucun autre problème à gérer.
Je passerai tout autant sur l'usage plus que discuté et discutable du terme génocide dans les évènements de Vendée de 1793 à 1796.


Alors évidemment en tant que robespierriste convaincu, la réaction urticante et passionnée pourrait m'animer par principe.
Oui mais non.

Déjà parce que Robespierre n'est en aucune façon le responsable des crimes de Vendée, bien que cela en arrange certains de lui accoler une image sanguinaire. Mais aussi parce que la révolte vendéenne je la prends et la comprends au coeur d'une époque chaotique.
Et si la conscription de masse pour une guerre lointaine (dont certains ennemis de Robespierre étaient les instigateurs) semble aujourd'hui une cause au moins aussi crédible qu'une passion vendéenne pour le catholicisme ultramontain et la monarchie de droit divin, je dois bien admettre qu'à la place d'un jeune vendéen je ne sais quelle aurait été ma réaction à l'époque.
Et si refuser un enrôlement passait par le ralliement à un François-Athanase Charette de la Contrie, meneur d'hommes ô combien charismatique, sûrement que je me serais laissé aller à suivre pareil panache pour une cause que j'aurais finalement certainement fait mienne.

Quoiqu'il en soit, je n'ai aucune animosité à l'égard de cette histoire de Vendée, de notre Histoire.
J'en ai à revendre par contre pour ces prétentions sempiternelles au statut de martyr nous contraignant à une repentance sans fin et divisant les français à travers leur passé.
De la même façon que je ne vais pas personnellement me reprocher la rafle du Vel d'Hiv ou le commerce triangulaire, je n'irai aucunement me flageller en repensant à tous ces pauvres bougres injustement noyés dans la Loire. Pas plus que je ne vais réclamer des vendéens aujourd'hui qu'ils reconnaissent les massacres des patriotes de Machecoul.
A quoi cela rimerait-il ?

Si le but est de désunir les français, de saper la légitimité de la République, de semer la discorde plutôt que la fraternité entre nos concitoyens, alors oui : reconnaissons "le génocide de Vendée" et ajoutons-y toutes ces brimades que nos petits écoliers bretonnants ont enduré, ces "velléités fascisantes" de la Républiques à vouloir faire rentrer le droit local alsacien-mosellan dans le rang etc ...
Allons-y : créons des foyers d’insurrections communautaires un peu partout sur le territoire de la République afin de mieux la dépecer. J'en connais à Bruxelles et ailleurs qui n'en demandent pas tant. J'avais d'ailleurs cru comprendre que ces derniers étaient tout sauf les alliés objectifs du Front National.


Bref, pour une représentante d'un parti qui se voudrait patriote en amorçant un retour vers cette République pour laquelle les citoyens français sont attachés, la petite Marion a très mal choisi son cheval de bataille.

Mais s'il ne s'agissait que de cela, s'en offusquerait-on ?
Après tout le patriotisme républicain de ces frontistes entonnant la blanche hermine de Servat était déjà bien ridicule. Avaient-ils seulement saisi les paroles de ce chant de départ en guerre contre la France ?
Non ce qui m'inquiète le plus dans cette histoire de reconnaissance du génocide vendéen c'est cette concurrence des victimes qui se répand sur fond de divisions et de replis communautaires.


Dès lors, que la petite Marion se rassure. Elle va se faire tout plein de nouveaux amis. Elle pourra rejoindre à loisir tous ces militants bienheureux qui réclament des comptes à la République française au nom de son passé.
Du CRIF au CRAN en passant par le PIR mais certainement pas le meilleur, je suis sûr qu'ils seront nombreux les nouveaux amis de la petite Marion prêts à concourir dans le championnat du "qui qu'a le plus souffert ?", avec étalage d'arguments émotionnels à la clé.

En attendant de pouvoir mesurer de façon scientifique la souffrance d'un arménien massacré par l'empire Ottoman, celle d'un tutsi découpé à la machette, celle d'un ukrainien condamné à la famine ou celle d'un tzigane oublié dans un camp nazi, j'ai tendance à ne pas vouloir hiérarchiser les drames de l'Histoire.
Ce qui ne semble pas être la position des tenants de la rente victimaire que procurent drames et génocides pour le compte des héritiers des malheureuses victimes. Ces mêmes victimes dont la mémoire, loin d'être entretenue, est souillée dans l'indécence d'une compétition victimaire.


Finalement, pour illustrer au mieux cette méfiance vis-à-vis de ces déboires de mémoires, je citerai Régis Debray qui a bien résumé le danger à l'occasion de l'idée farfelue et macabre de Nicolas Sarkozy consistant à ce que chaque élève du primaire "adopte" la mémoire d'un enfant victime de la Shoah.
Ce même Sarkozy qui pourtant, avait déclaré assez justement en 2007 :
" Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres ".
Bref de la cohérence de ce trublion politique ... revenons donc à Régis Debray :

" Autant le devoir de mémoire est nécessaire, autant son abus est contre-productif. (...) Il y a un risque d'escalade, d'une surenchère, d'une concurrence des mémoires. Celles-ci pourraient bientôt provoquer, dans le monde des banlieues, la revendication d'une adoption des victimes d'Israël en Palestine. Et puis il y a les Tsiganes, il y a les Arméniens, et puis il y a surtout les Noirs...(...) Au lieu d'unifier, j'ai peur que cette initiative ne divise selon des clivages communautaires et confessionnels. "

Tu l'as dit Régis !


Et d'ailleurs pour en finir avec cette compétition à la reconnaissance par nos élus de tel ou tel drame : si la question des lois mémorielles n'avait tout simplement pas lieu d'être ?
Car après tout, s'il est une chose qui semble faire l'unanimité avec mes compagnons de palabres, c'est bien que l'Histoire doit appartenir aux historiens et non pas aux politiques qui, même animés de la meilleure foi dont ils sont capables, ne peuvent qu'instrumentaliser les évènements en légiférant à leur sujet.
Laissons la reconnaissance des faits, sans passions mal placées, aux historiens. Nous aurons tout le loisir d'en discuter entre nous ailleurs que dans notre assemblée nationale.




2 commentaires:

  1. non seulement je suis révolutionnaire comme toi mais en plus j'aime la bretagne et j'adore tes photos de la nature dans son plus simple élément!

    Bravo

    Didier

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    1. Merci Didier.

      Ne serais-tu pas l'un de mes contacts sur Facebook ? :)

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