dimanche 22 juillet 2012

Addendum à la critique radicale du PIB

La croissance ayant le bon goût d'être illimitée pour assurer notre salut terrestre, veuillez souffrir d'addenda illimités à la critique de cette dernière.

Pour rappel du précédent billet que celui présent vient compléter : nous partions du principe éminemment subversif consistant à dire que le PIB est une abstraction de l'esprit dont la finalité est de nous faire admettre que l'économie est une science naturelle et non sociale, capable de nous apporter le bonheur via de savants calculs.


Là où la mascarade se révèle douée, c'est qu'en tant que science naturelle, dite "exacte", il apparaît comme indéniable que l'économie pose des lois immuables et notamment en ce qui constitue son fondement : la loi du Marché.
De la même façon qu'il serait idiot de défier les lois physiques, comment vouloir aller à l'encontre les lois naturelles du Marché ?



Dans la version libérale de l'économie, toute entrave à l'équilibre de cette entité juste et immanente qu'est le Marché serait une aberration scientifique qui nous apporterait misères, pauvretés et donc guerres, barbaries ...
Et de fait, plus notre fameux PIB, mesure "objective" de la réalité économique, est élevé, plus on s'éloigne de ces catastrophes que tout être humain raisonnable souhaite évidemment éviter.

Ce qu'il faut donc en retenir de la doctrine libérale de l'économie c'est qu'il est scientifiquement prouvé que le sacro-saint Marché doit être laissé en paix pour gérer nos vie de misérables agents économiques appelant de nos vœux le paradis promis par l'économie de Marché.
Et ce, même lorsque cela accable une majorité et bénéficie à une minorité puisque de toute façon c'est ainsi. Le Marché est ainsi régi par la loi de l'offre et de la demande contre laquelle il est vain ou pire, contre-productif, de lutter. Alors soyons fatalistes et résignés avec le sourire puisque l'on ne peut rien y faire. "There is no alternative" comme on le répète à un licencié de chez PSA malgré un ministre du redressement productif qui se doit d'être inefficace afin de ne surtout pas enrayer les rouages naturels du Marché (même s'il s'en est défendu dans un remarquable petit livre à deux balles)



Laisser faire le Marché et s'en accommoder plutôt que de vouloir l'orienter par des politiques économiques (vous savez ce genre de décisions représentant les volontés de Peuples souverains) qui ne sont que l'expression mesquine de citoyens peu éclairés dont il faut invariablement se méfier. Il est vrai que les experts économiques qui décident illégitimement à notre place, de ne rien faire, nous ont épargné les pires dérives de l'économie de marché jusque là !

Oserai-je dire que le libéralisme économique consistant à respecter scrupuleusement "l'équilibre" du Marché s'oppose radicalement à l'expression démocratique ?
Oui tout à fait, j'ose le dire !

Mais libre à chacun de se faire un avis sur la légitimité du Marché libre et non-faussé à régir nos vies. On pourra même me rétorquer que sans lui, ce serait le règne du nazisme et du stalinisme réunis, puisque c'est à peu près le niveau argumentaire des libéraux omniprésents dans tous nos médias lorsque l'on ose émettre une critique sur le libéralisme économique.

Donc s'en prendre au PIB c'est déjà vouloir remettre en question le fondement même de la raison scientifique qui définirait l'économie de marché comme un projet capable de nous apporter le bonheur de manière arithmétique. C'est aussi remettre en question le fait qu'une hausse de 10% de notre PIB par une explosion de la production d'armes par exemple nous rendrait 10% plus heureux.
Quel stalinien du IIIe Reich sommeille en moi pour ainsi oser me poser pareille question ?

Bref s'attaquer au PIB c'est drôlement subversif !
Si, si. Et si la substance de mon précédent billet sur la question se voulait donc un acte de résistance face au libéralisme économique, imaginez donc ma réjouissance lorsque je suis tombé sur cette déclaration de Robert Kennedy le 18 mars 1968 :

"Notre PIB prend en compte, dans ses calculs, la pollution de l’air, la publicité pour le tabac et les courses des ambulances qui ramassent les blessés sur nos routes. Il comptabilise les systèmes de sécurité que nous installons pour protéger nos habitations et le coût des prisons où nous enfermons ceux qui réussissent à les forcer. Il intègre la destruction de nos forêts de séquoias ainsi que leur remplacement par un urbanisme tentaculaire et chaotique. Il comprend la production du napalm, des armes nucléaires et des voitures blindées de la police destinées à réprimer des émeutes dans nos villes. Il comptabilise la fabrication du fusil Whitman et du couteau Speck, ainsi que les programmes de télévision qui glorifient la violence dans le but de vendre les jouets correspondants à nos enfants. En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux. Il ne mesure pas la beauté de notre poésie ou la solidité de nos mariages. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats politiques ou l’intégrité de nos représentants. Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. Il ne dit rien de notre sens de la compassion ou du dévouement envers notre pays. En un mot, le PIB mesure tout sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue."


Je n'ai aucune action dans les mouvements paranoïaques qui se développent un peu partout, mais des assassinats de personnes capables de tenir ce genre de propos expliqués par un pseudo fanatique palestinien, j'ai quand même bien du mal à y croire.

En tous cas, je me dis que Bob était un sacré anti-libéral économique, est-ce ce qui lui a été fatal au pays des libertés ?

Étrange coïncidence que de finir ce billet sur un morceau de ma playlist aléatoire : Jello Biafra and the Melvins "Islamic Bomb" (Jello Biafra étant le leader du groupe Dead Kennedys)
Je vais finir par croire qu'il y a vraiment des forces occultes qui rôdent autour du nom "kennedy" !


2 commentaires:

  1. Je te conseille la lecture de "La société de consommation" de Jean Baudrillard, si ce n'est pas déjà fait. Une analyse fondamentale sur cette économie et ses enjeux, une des plus importante depuis le Capital ou Société du Spectacle. Bien à toi.

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    1. Je connais cet ouvrage qui fait partie de ma liste "à lire absolument", je crois même l'avoir déjà acquis ... il doit être quelque part dans mes étagères, plus qu'à s'y mettre :)

      Ainsi présenté dans la lignée de Marx et de Debord, ça ne peut qu'être un incontournable.

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