"Le mondialisme n'a rien pourtant d'un art étrange, mais tant le nient, putain de mairie d'Orange."
Cette phrase issue d'une chanson du groupe de ska rock alternatif français La Ruda (Salska) m'est revenue comme un boomerang jeté un peu naïvement il y a de ça une quinzaine d'années. A une époque où la commune d'Orange connaît son heure de triste gloire pour avoir été l'une des premières mairies administrées par un élu frontiste.
On ne fait jamais assez attention à notre crédulité de jeunesse susceptible de nous rattraper en de terribles et honteux échos lorsque l'on a acquis ce statut de vieux con que l'on s'était promis de ne jamais devenir.
Morbleu et foutrecouilles !
Il faut dire qu'à l'époque ce groupe avait tout pour plaire au lycéen que j'étais : une ambiance musicale festive, des paroles un peu rebelles, estampillées de "gauche" et surtout clairement ciblées contre le mal absolu de toute une génération : le Front National.
Un vil épouvantail, moche en effet, mais que l'on nous donnait comme incarnation de tous les maux à venir pour notre génération. Maux, que le verbe musical du mouvement de la jeunesse de Gauche était chargé de combattre jusqu'à l'âge du chômage et de la raison. Parce qu'après forcément, les emplois jeunes feraient illusion un temps mais ensuite, ils deviendraient encombrants ces enfants de prolos et autres classes moyennes déclassées ...
Mais aujourd'hui en voulant à nouveau entonner ces refrains joyeux que j'ai récité naturellement tant ils sont ancrés en moi, je me sens pourtant nauséeux.
Ainsi donc, voilà ce que nous étions : des citoyens bienheureux élevés dans le mondialisme enthousiaste, présenté comme la blanche bannière brandie face aux sombres relents nationalistes qu'il nous fallait fuir comme la peste.
Du haut de notre éducation payée par le labeur de nos parents, nous étions même missionnés auprès d'eux le soir en rentrant chez nous pour les convaincre de la félicitée qu'apporterait l'euro ou la fin des frontières.
Eux méfiants et se doutant instinctivement que la propagande bourgeoise parlait à travers leurs enfants nous rabrouaient : "Tu verras quand tu travailleras !".
"Bande de vieux cons ringards" pensions-nous avec mépris du haut de notre baccalauréat que nous avions eu contrairement à eux.
La Gauche soucieuse d'émanciper l'individu s'échine à rompre les transmissions familiales coercitives. Si cela n'avait pas eu pour but de créer de l'espace de cerveau disponible pour les idées libérales, l'idée aurait été louable.
Avec le recul, je comprends qu'une partie de ma génération entre honte et désillusion en veuille à la Gauche. Je comprends aussi qu'elle vomisse le mondialisme et se retourne aveuglément vers ce qu'on lui a présenté comme son antagoniste : le Front National.
Ce dernier profite d'ailleurs aujourd'hui pleinement du filon en se positionnant plus que jamais sur le protectionnisme et la Nation qui prémunissent des affres de la mondialisation.
Manipulateurs de la Gauche libérale, Marine vous dit merci !
Pour en revenir à La Ruda (Salska) qui n'en demeurait pas moins un groupe très sympathique musicalement et afin de leur rendre justice, il faut avouer que ce groupe a changé récemment ces paroles que je cite en début d'article. A présent qu'il n'est plus possible de maintenir le mondialisme en odeur de sainteté de manière trop ostensible, vos oreilles chastes entendront ceci : "La tolérance n'a rien d'un fait étrange mais tant la nient, putain de mairie d'Orange."
La tolérance, l'autre nom du mondialisme ?
Ce qui est certain c'est que l'antiracisme et le mondialisme culturel furent bien souvent l'alpha et l'omega de beaucoup de ces groupes que la Gauche affichaient à la fête de l'Huma et autres festivals parcourus par notre jeunesse inconsciente. Ces mêmes jeunes qui délaissèrent le PCF et ces ringardes et pénibles chansons populaires authentiquement socialistes comme celles de Romain Dudek (La Poésie dans les usines), de la Compagnie Jolie Mome (La lutte en chantant) ou de Bistanclaque (Consomme).
Il est vrai que la Ruda (Salska) c'était quand même plus festif et joyeux.
Tel un Jack Lang et sa fête de la musique, bien plus "fun" qu'un Georges Marchais et ses discours sur le travail.
La victoire de l'idéologie du plaisir et de la pulsion individuelle encensée par le libéralisme culturel ... ou l'inverse ... ou les deux.
Bref, la Gauche contre le socialisme, je connaissais bien jusque là.
La Gauche qui donne ses armes au Front National, rien de nouveau non plus.
La Gauche qui culturellement répand le libéralisme, Jean-Claude Michéa m'avait déjà prévenu.
Ce que je découvre par contre quand je me prends pour sujet d'observation avec un peu de recul, c'est la capacité incroyable de la Gauche à faire naître chez ses enfants abandonnés un ressentiment chaque jour un peu plus grand !
Accompagnement musical : Peter Von Poehl, The Story of the Impossible.